Les arts plastiques sont à la fois l’expression et la communication d’idées, d’émotions et de sentiments au moyen de divers médiums. Ils regroupent donc de nombreuses façons de travailler la matière. Au Togo, ce milieu n’est pas la chasse gardée des hommes. Dans les années 70, il y avait Madame Rambert. Au début des années 90, on peut citer Magguy Vovor et Anne Marie Codjo, qui étaient les élèves de l’artiste plasticien Paul Ahyi qu’on ne présente plus. A partir de l’an 2000, d’autres femmes ont émergé à l’instar de Ethie Essiomle, Sabine Médowokpo, Liebe Adjodo et Enyo Dackey entre autres. Aujourd’hui une talentueuse nouvelle génération de jeunes femmes artistes plasticiennes foisonne, mais l’histoire de l’art du Togo ne peut occulter un nom, celui de Amivi Homawoo. Qui est-elle véritablement ? Quelle est son empreinte artistique ?
La vocation artistique et le parcours de Amivi Homawoo
A l’état civil elle s’appelle Améyovi Akpéyédjé Homawoo. Elle a pour nom d’artiste « Amivi Homawoo » avec lequel elle signe ses œuvres. Elle a fait ses études primaires et secondaires au Togo, en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Ghana. L’artiste plasticienne est arrivée à l’art parce qu’elle en a ressenti le besoin surtout qu’elle a plus qu’un brin artistique en elle. Le soutien et l’encouragement indéfectibles de son oncle ont été assez déterminants dans cette orientation professionnelle.
L’oncle a décelé en elle un talent en dessin ce qui a été confirmé par ses professeurs au collège et lycée. Ces derniers lui trouvaient le potentiel nécessaire dans cette discipline fondamentale des arts plastiques. Amivi Homawoo a pris sa voie tel un pèlerin comme pour donner raison à Paulo Coelho : « La liberté absolue n’existe pas : ce qui existe, c’est la liberté de choisir, et ensuite d’être engagé par sa décision ». Ainsi, en1995, elle fit un stage de design (Afro Design) au centre ARTISTIK de Lomé au Togo puis à l’Ecole nationale des sciences informatiques appliquées ENSCIA- les ateliers à Paris en France. De 1995 à 1998, elle fit la peinture et la sculpture au centre ARTISTIK de Lomé.
La même année, elle effectua dans le même centre un stage de gravure sur bois avec l’Allemand Thomas Mohi. En 1999, elle participa à un atelier de création de livres pour enfants en collaboration avec l’écrivain Marie Saint Dizier et William Wilson, un artiste illustrateur. En 2000, Amivi Homawoo fit à Vila Nova de Cerveira au Portugal, une formation en art graphique avec une spécialité en sérigraphie puis une formation en théorie des couleurs au Centre ARTISTIK et Centre Culturel Français (actuel Institut Français du Togo) à Lomé. Elle participera par la suite à des manifestations artistiques.
On la retrouve en 2000 à l’atelier d’arts plastiques « jardin de sculptures » au Goethe Institut de Lomé, la même année elle est à Lille en France où elle prend part à la « Braderie de l’Art de Roubaix » en France. En 2001, elle fut l’invitée de Saliou Traoré pour les « Ateliers portes ouvertes » au FESPACO à Ouagadougou. On la retrouve plus tard à une autre résidence sous le titre « Artiste en création » à Saïda au Liban en prélude au Sommet de la Francophonie de Beyrouth de 2002. En 2003 elle était à TABLE MANERS « Africalia 3 », Atelier de création en Design au Togo.La même année, grâce à l’appui du Programme de soutien aux initiatives culturelles décentralisées (PSIC) elle a initié un atelier dénommé « Agoo » au bénéfice des femmes artistes plasticiennes togolaises. Alliant la pratique à la théorie cet atelier a abouti à une exposition collective des œuvres de cinq artistes plasticiennes. Au cours de l’année 2004 elle s’est signalée du côté de DAK’ART, la biennale de l’art contemporain africain à Dakar. Elle a également pris part au Salon International de l’Artisanat Africain de Ouagadougou (SIAO).
Véritable infatigable, elle avait célébré la journée Internationale de la Femme le 08 Mars 2006 en rassemblant une trentaine de femmes artistes, d’artisanes, d’écrivaines venues d’horizon divers pour une grande exposition. Au Festival Panafricain d’Alger (PANAF) de 2009, Amivi Homawoo y était. En exposition individuelle, il convient de dire qu’elle a exposé six fois au Togo, une fois au Bénin, une fois au Portugal. Collectivement, Amivi Homawoo a exposé au Bénin, au Burkina Faso, au Mali, au Liban, en France, au Japon, au Canada, en Belgique et au Togo de 2000 jusqu’à aujourd’hui.
La place de choix de Ewolé dans sa carrière
« L’homme doué d’intelligence est fait pour communiquer, repousser les limites de la connaissance, favoriser les rencontres. Il s’enrichit au contact des autres » à l’instar d’Ewolé, une manifestation à caractère sous – régional, interafricain et à vocation internationale qui s’inscrit dans le domaine de la création des arts visuels.
Ewolé, Rencontres – Résidences Internationales d’Arts Visuels, est l’initiative du plasticien – designer et opérateur culturel togolais, Kossi Assou. Ewolé se veut un espace de rencontre, de création, de formation et de réflexion sur les arts visuels en Afrique. L’on n’est pas sans savoir qu’un système fermé sur lui-même se meurt faute de confrontations, d’échanges et d’enrichissements.
Les organisateurs d’Ewolé n’ignorent pas cela, et ont progressivement ouvert l’événement à des participants d’autres continents. Ces rencontres sont biennales et ont rassemblé (de la 1ère à la 6ème édition) toutes les années paires, des artistes plasticiens venus de divers horizons pour des rencontres d’échanges, de formation et surtout de production – création à travers des ateliers – résidences, des performances, des conférences…
L’artiste plasticienne a eu à participer aux éditions d’Ewolé et notamment à l’atelier résidence d’art plastique Ewolé’96 organisé au Togo en 1996, à l’atelier résidence de sculpture sur métal et de peinture, Ewolé’98 organisé à Kpalimé au Togo. En 2002, et 2003 elle assista à deux autres ateliers résidence Ewolé’5 et Ewolé’6 au Togo. La sixième édition s’est tenue du 17 octobre au 09 novembre 2003 à Togoville, Badja et Lomé. Elle sera encore active lors de Ewolé’7 ; puis de la 8ème édition.
Le travail de création de l’artiste Amivi Homawoo
L’inspiration vient de partout, de sa vie de tous les jours, du marché, des scènes autour d’elle. Des photos ou des œuvres d’autres artistes sont parfois des déclics qu’elle essaye de conceptualiser à travers son expression artistique. Avec elle, l’art se conjugue au féminin surtout qu’il s’agit d’interpréter notre société d’aujourd’hui à travers le regard de l’artiste et de lui donner un sens. L’artiste plasticienne s’implique et s’applique surtout pour ne pas faire pour faire. Afin de donner le meilleur d’elle-même, elle puise également son inspiration de l’essence la plus profonde de l’être et des choses.
Ainsi, est née l’orientation artistique d’Amivi Homawoo qui n’a jamais baissé les bras, qui se donne toutes les possibilités nécessaires pour réussir à atteindre ce but. De ce point de vue, elle semble suivre les conseils avisés de Edem Kodjo dans son ouvrage Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire : « Prenez donc un élan nouveau, armez-vous d’une force nouvelle que vous ne sauriez puisez qu’en vous-même dans l’intime de votre être ».
La finalisation de cette marque identitaire artistique révèle au grand jour les images enfouies dans son être le plus profond. C’est presque un défi en tant que femme, à notre époque actuelle et dans son pays le Togo. Mais chaque jour, petit à petit, elle réussit à avancer et à faire sa place dans le milieu artistique. Au-delà de la dimension esthétique, l’art est pour elle comme une vibration de son propre être intérieur qui se traduit dans ce que Amivi Homawoo veut créer et montrer. Au total, elle est engagée pour exprimer esthétiquement les valeurs qui lui sont propres et contribuer à une culture universelle.
Sa source d’inspiration est donc liée à son éducation, à son vécu et à son ressenti, à sa société et à une continuité de la dynamique culturelle, les émotions étant liées souvent à notre état d’esprit, ce qui peut par moments et par endroits influencer dans l’inspiration et dans l’acte de création. Mais on peut dire que les sentiments et la valorisation de la femme et de la société prédominent dans sa démarche artistique que ce soit en peinture, en sculpture, en design, en vidéo art ou en entreprenariat culturel.
Amivi Homawoo dans tous ses états artistiques
Sa peinture varie, pour la plupart de ses toiles, de longilignes et filiformes silhouettes féminines aux évocations de présences anonymes sous des formes presque humanoïdes. L’harmonie des couleurs est assez saisissante. Ce sont des couleurs d’une matité élégante desquelles émergent des contours et traits par endroits subtiles. Dans le domaine du design, elle a participé à l’exposition de design à Courtrai – Belgique en 2003 et a organisé l’exposition « Arts de Femmes » au CCF de Lomé au Togo en 2004 et deux autres éditions qui ont suivi.
La même année, elle était au Salon du Design, DAK’ART à l’exposition de Design au SIAO pendant le Sommet de la Francophonie à Ouagadougou au Burkina Faso ; à l’Exposition de Design « Made in Africa » (M.I.A.) à Bamako au Mali ; à l’Exposition de Design « M. I. A. » au salon du meuble à Paris en France ; à l’Exposition de Design « M.I.A. » à Montréal au Canada. En 2005 elle était au Salon international de design, « Maisons et Objets » à Paris en France. La même année elle était à l’Exposition de design avec FELISSIMO au siège de l’UNESCO à Paris et au Japon.
En vidéo, grâce à sa formation en vidéo Art au Canada en 2007, elle réalisa l’« Autoportrait », « la Résistance », puis « Alfa Bêta ». En 2009 il y a eu les Ateliers résidences Festival International de vidéo art (FAIVA) à Bamako au Mali.
Elle fabrique aussi des objets de décoration (peintures, mosaïques, assemblages, luminaires etc…) tout comme elle réalise de la décoration murale ; patines et de la décoration d’intérieure. Talentueuse, Amivi Homawoo a été lauréate du prix WOODIN (designer de tissus) au Togo, de Rotary club – Togo, de la Bourse Aschberg de l’UNESCO, aux cinquièmes Jeux de la Francophonie à Niamey et nominée 2014 de VLISCO au Togo.
Responsable Fondatrice des Ateliers « Ndebele » devenus plus tard « Amivi Art Factory » ; membre du Bureau Togolais des Droits d’Auteurs et présidente de l’association « PERSPECTIVES FANM » et du festival Femmes Arts Novations Mutations au Togo qui a déjà à son compteur six éditions, elle est également une promotrice culturelle.
Somme toute, les arts plastiques constituent un des moyens d’expression par excellence de la créativité humaine. Ainsi, Amivi Homawoo n’a pas une unique corde artistique à son arc culturel. Elle n’a pas qu’un seul domaine de définition et de compétence : elle touche un peu à tout, au point où son expression artistique est protéiforme. Aucune limite ne doit emprisonner l’esprit. Et l’artiste Amivi Homawoo, est toujours dans cette dynamique qui fait d’elle un véritable fleuron du « matrimoine » culturel togolais.
Adama AYIKOUE
Critique
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