Récépissé N° 0010/HAAC/12-2020/pl/P

L’exposition Ahoe Nougna ou quand l’artiste plasticien Amegne Blibo s’inspire du patrimoine culturel africain

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Edmond Prince Kokouda Amédédjisso connu sous le nom d’artiste Amegne Blibo avait émerveillé le public togolais par de riches créations qu’il présentait à la galerie d’art contemporain Negrillis à Lomé en 2021. Le titre de l’exposition était « Le règne animal ». Cette série immortalisait des formes liées sans aucun doute à sa faune intérieure. Les férus des arts visuels ont été épaté à travers des œuvres qui peignent caméléon, éléphant, rhinocéros, loup, gorille, perroquet, cerf, antilope, cheval, tigre, panthère, lion, buffle, girafe, zèbre et taureau entre autres.

En juillet 2022, un an au moins déjà !, Amegne Blibo, à la question de la rédaction de Togotopnews, «D’où vous vient l’inspiration ? », l’artiste répond : « Mon inspiration, c’est la nature. Je m’inspire des êtres humains pour faire des portraits avec l’ajout d’une touche personnelle pour donner plus d’envie aux gens à s’intéresser à l’œuvre.  L’inspiration vient aussi des faits sociaux. »

Aujourd’hui en août 2023, « la Case des Daltons », centre culturel sis à Lomé au quartier Tokoin Hôpital, lui ouvre ses portes à la faveur d’une nouvelle exposition dénommée AHOE NOUGNA. Traduction libre en langue éwé-mina du Togo : le savoir-penser, le savoir-être, le savoir-faire, le savoir-vivre endogène qu’on peut considérer comme le patrimoine culturel tout au moins au regard des titres très évocateurs de ses tableaux : Tablabla (port du foulard) 1 ; Tablabla 2 ; Gbedododa (prière) 1 ; Gbedododa 2 ; Identité 1 ; Identité 2 ; Hotsi (cauri) 1 ; Hotsi 2 ; Tam-tam parleur ; Cheveux afro.

L’ensemble des créations à découvrir s’est entièrement inspiré du patrimoine culturel africain, une véritable reconnexion à ses racines culturelles à l’instar du cauri et du masque,  des objets quotidiens  du passé traditionnel du continent africain. Ainsi, selon Oscar Wilde, « Tout art est à la fois surface et symbole. »

Hotsi, le coquillage cauri par exemple, proviendrait de l’Océan Indien et a servi longtemps de monnaie d’échange dans la majeure partie du continent, est considéré comme le symbole de la prospérité et aussi de la fécondité, à cause de sa ressemblance avec le sexe de la femme : pour cette raison, on le trouve sur toutes sortes de parures féminines et masculines, ou fréquemment reproduit aussi bien sur le front d’un masque, le socle d’une statuette, le pourtour d’un bracelet en bronze, que dans les motifs d’un textile. Le cauri a également un usage spirituel fondamental dans la religion traditionnelle africaine.

Une place de choix est accordée à la sculpture africaine dans ses créations, particulièrement à travers la représentation de masques, un symbole puissant du patrimoine africain. Le masque représente en effet soit un animal réel, soit un animal composite, soit le visage d’un ancêtre ou d’une divinité surmonté d’une paire de cornes ou d’un animal en position allégorique. Loin d’être conçu pour l’amusement ou le seul plaisir esthétique, le masque intervient toujours, en Afrique, dans l’enclos des initiés, dans les fêtes religieuses et profanes et à bien d’autres occasions, en tant que régulateur social et agent purificateur, prophylactique, chargé de repousser tout ce qui peut nuire à l’ordre villageois ou familial : maladie, conflit et calamités diverses…

Il y a deux années de cela, j’ai eu à visiter son atelier et à apprécier ses nouvelles créations que je trouvais déjà très améliorées par rapport à celles de ses débuts quand il développait ses techniques de crayonnage, de la stylographie et de gribouillage. Progressivement et esthétiquement, sa création s’est démarquée par une totale liberté et un discret rendu en termes de couleurs et de texture, grâce à un véritable travail de laboratoire conscient et approfondi qu’une élaboration minutieuse et contrôlée conduit à une peinture opalescente et délicate. De ce point de vue, Maurice Dénis plante le décor : « Se rappeler qu’un tableau avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées. »

Aujourd’hui, c’est le gribouillage et l’adoption réussie du blanc sur un support noir qui apportent à sa nouvelle exposition un supplément d’âme. Sur toute la ligne, l’artiste Amegne Blibo a beaucoup misé sur un gribouillage stylé et soigné sur fond de graffiti, un accord si difficile à réaliser entre le poétique et le décoratif. Il s’agit d’un artiste plasticien qui, en plus d’être talentueux est un véritable besogneux dans la recherche des compositions aussi élaborées et chargées d’intention. Françoise Cachin reconnait : « Le tableau pour toutes sortes de raisons psychologiques et littéraires devenait un objet métaphysique, et chaque couleur, chaque arabesque prenait une valeur propre qui permettait toutes les audaces et toutes les libertés. »

La terre nourricière, la femme féconde, les esprits et les dieux, voilà autant de grandes thématiques du patrimoine culturel africain dans lesquelles on peut facilement circonscrire les œuvres d’un joyeux et subtil chromatisme d’Amegne Blibo dans le cadre de son exposition  AHOE  NOUGNA  à découvrir à  la Case des Daltons en ce mois d’août 2023. Le vernissage a eu lieu le mercredi 09 août et l’exposition court jusqu’au 19 août 2023.   

                                                                       Adama AYIKOUE, Critique d’art.

Le Nouveau Reporter
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